Shimon Attie
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Shimon
ATTIE est né en 1957 à Los Angeles, USA, où il réside et travaille. Après
une formation en psychologie, Shimon Attie entreprit des études en Art à
partir de 1982. |
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Dès 1991,
il débuta sa série « Sites Unseen » et c’est dans ce cadre qu’il a prit
l'ancien quartier juif de Berlin, le Scheunenviertel, pour objet et sujet
d’expérimentation. Ce quartier, non loin de l'Alexanderplatz se trouvait
dans la partie est de Berlin. C'est la thématique de l’absence même qui
rythme ce projet. Le long de ces rues désolées, il a crée une installation
saisissante : il a commencé par opérer une sélection de photos anciennes
de ce quartier montrant les devantures des boutiques juives et leurs enseignes,
des habitants qui posaient pour ces photos dans la période de l’entre deux
guerres. Il a ensuite mis en place un important dispositif de projection
qui s’activait la nuit, in situ, sur les lieux mêmes où les photographies
de départ avaient été prises. Le passant qui se trouvait là était saisi
par l’intensité de l’oeuvre, voyant littéralement des prises de vue anciennes
dont le traitement et l’age créait une atmosphère inquiétante sur les murs
de la rue. C'est ainsi que l’on pouvait voir surgir sur un mur, à côté d'une
porte-cochère: Hebraische Buchhandlung, la même indication en hébreu, et
la silhouette d'un homme vu de dos portant un chapeau comme nombre de juifs
en portaient à cette époque. Ou encore, à l'intérieur d'un porche: Religious
Books Salesman, avec là-encore une silhouette juive d’apparence pieuse,
en chapeau. |
Les photos
de ces installations in situ demeurent saisissantes par le jeu de contraste
induit par le traitement des anciennes photographies qui met en parallèle
l'obscurité des rues avec les zones de projection puissamment éclairées. |
L'artiste
a commencé ses projections en Septembre 1991 puis le dispositif a perduré
un an. L'installation elle-même fut photographiée avec ses contrastes de
lumière, de façon à ce qu'il y en ait une trace fidèle. |
Le parallèle
passé/présent dans la continuité spatiale ne fut pas aisé à mettre en place.
Il fallait que les deux ensembles puissent dialoguer l'un avec l’autre et
que le dispositif soit à même de rendre visible ce vide, cette discontinuité
mnésique. Il était question pour l’artiste de faire apparaître le trauma
affligé à la société allemande dans son ensemble par la perte de sa communauté
juive et non de procéder à une relecture de ce que fut la société juive
allemande d'avant 1933. |
L'artiste
a pu enregistrer les réactions des habitants du voisinage et des passants.
Au début, ils étaient plutôt favorables à ce travail plastique, mais peu
à peu, il sentit croître l'hostilité contre lui. Cette installation ne fut
ainsi pas bien accueillie par la population résidant à proximité tant elle
exaspéraient des personnes qui préfèreraient "oublier" un passage
de l’histoire dans lequel le plus souvent ils n’avaient joué aucun rôle,
ce qui tend à mettre en lumière le problème d'une architecture de l'irreprésentabilité
surtout en ce qui concerne la valeur de son statut. Il se dégage alors une
réflexion autour de la représentation non pas de l'événement en lui-même
mais du rapport de la mémoire à cet événement. C’est ainsi que la mémoire
n'apparait pas seulement comme effet de temps, d’altération ou d'usure car
elle est aussi intimement liée à l'espace. |
Ces
liens entre espace et temps intègrent les œuvres de cet artiste dans la
continuité non seulement des perspectives de cette exposition mais aussi
dans le musée lui-même en ce sens où ce lieu offre une correspondance on
ne peut plus juste du dispositif plastique de ATTIE : différentes temporalités,
carmel, caserne,… dans un lieu unique. |