Christine Lucchini

« Mon travail tourne autour de la partie immergée de l'iceberg humain, son inconscient dont j'explore les coins et recoins depuis toujours lorsqu'il s'agit de peindre ou dessiner. Ma barque d'artiste me fait découvrir au détour d'icebergs des paysages toujours nouveaux. Cette série " BABIES " est le prolongement d'un travail au long cours sur les blessures et stigmates acquis dans l'enfance. Ici, ces grands portraits d'enfants monochromes, à la détrempe, sur papier ont un premier degré de lecture réaliste et un deuxième " discrètement fantastique ". Leur énorme tête reposant sur de frêles épaules et leur faciès hallucinés évoquent la charpente psychologique acquise dans l'enfance. »

 Life, 2006
gouache sur papier, 60*80cm
Courtesy de l’artiste

Christine Lucchini est née en 1964 à Paris où elle vit et travaille actuellement. Les propos de l’artiste dévoile sa volonté de dresser des portraits psychologiques et en choisissant des enfants comme thématiques, elle s’offre la possibilité de figurer le fonctionnement de l’affect dans un psychisme en constitution c’est à dire dans une structure qui l’intègre visiblement voire lisiblement.

Tout évènement vécu par un individu engendre simultanément la naissance d’une représentation mentale individuelle et d’un quantum d’affect.

L’affect est lié à une tendance à la décharge et demeure inséparable d’un caractère biologique (activités sécrétoires et vasorégulatrices), en un sens il correspond à la traduction de l’activité interne incessante du corps. Cette décharge s’accompagne de sa perception par le sujet ce qui amène un sentiment appartenant à la sphère plaisir/déplaisir. Tout stimulus amène biologiquement des innervations motrices. Par effet d’habitude, de répétition, le stimulus tend à être instantanément converti par le quantum d’affect dont la décharge est de plus en plus rapide. Ainsi à chaque nouvelle apparition de stimuli analogue, une trace mnésique permet une prise en charge plus adaptée ce qui équivaut à un amoindrissement du quantum d’où une décharge moins importante et par là même une perception de la décharge moins aliénante pour le sujet, on parle alors de traitement cathartique de l’affect.

Cependant, la désignation pathologique intervient lorsque le stimulus n’est pas converti et que par voie de conséquence, la libération du quantum fait défaut. Dans ce cas le psychisme de l’individu utilise une partie du quantum pour créer une distanciation par rapport à la représentation du stimulus mais aussi une distanciation de l’affect original, l’un n’allant pas sans l’autre, dans le but de se protéger de cette vague energétique. Cependant le quantum est toujours présent et il consomme d’autant plus d’énergie du fait qu’il se trouve dans une situation de stockage jusqu’à ce que son affiliation à un autre stimulus permettent sa décharge. Plus la décharge est différée, plus le quantum est important et moins la représentation associée au stimulus qui a permis sa décharge est cohérente pour le sujet, il apparaît alors comme un facteur d’altérité dont la présence est autant incompréhensible que peu supportable. L’enfance est le passage de l’état pathologique à l’état cathartique et c’est précisément ce qui intéresse l’artiste et qu’elle traduit par l’intermédiaire de ses œuvres.

Les enfants n’ayant que récemment pénétrés ce lieu, leur apparition dans l’exposition semblait de rigueur pour offrir un contrepoint riche aux sentences figurant dans le couloir des cellules. Le fait que cette œuvre apparaisse dans un espace ayant servi de dortoirs aux carmélites, en compagnie des vidéos de Pipilotti Rist et de Carsten Holler n’est pas anodin et créent un dialogue jouant sur plusieurs registres.

christine.lucchini@neuf.fr http://www.associationdesgaleries.org/galerie.cgi/galerie/24