Marc Pataut
Marc Pataut est né en 1952 à Aubervilliers où il vit et travaille. Il fit ses études l’Ensba de Paris, puis en 1979 il devint reporter à l’agence Viva. En 1981, il se distancie de cette production spécialisée du reportage afin de privilégier les projets d’enquête documentaire de longue durée. Son travail associe toujours un domaine d’activité, une situation sociale, une histoire et une intervention sur le contexte institutionnel.
 Apartheid, 1987
photographie noir et blanc, 123.5*123.5 cm
collections publiques d’art contemporain du Conseil Général de la Seine Saint-Denis
œuvre photographiée par François Poivret
 
 
 
 

En 1986, il entreprend un travail photographique sur sa propre anatomie qui souligne un apparent dédoublement physique, un dialogue aussi bien entre une forme d’extériorité de l’enveloppe charnelle et son intériorité qu’entre différents éléments d’un corps présenté comme hétérogène. Toute gestualité est absente de cette image d’un corps réduit à l’état d’objet malgré les évidentes forces de pression qu’elle traduit.

Cette image fut sérigraphiée pour être exposée sur les panneaux publicitaires de 4m*3m de la ville du BLANC-MESNIL en Novembre 1988. Ainsi, cette œuvre a dès le départ été démultipliée sur chacun des panneaux ce qui renforce la valeur d’hétérogénéité du corps qu’elle dévoile.


La particularité du point de vue et la pression des chairs esquissent une forme de cannibalisme qui, en évitant l’écueil du premier degré, s’entoure d’une valeur psychologique oppressante.


Outre que le rendu des matières est trop impeccable pour être honnête, cette image a l’inconvénient de reconstruire le partage qu’elle prétend mettre en cause. Tout l’intérêt du travail de Marc Pataut se situe dans le déplacement des qualités de cette dualité. La sphère de l’intime, du personnel s’étend a l’ensemble des corps tout entier, par le biais d’un processus d’appropriation, d’autant plus vif que pour Apartheid, il est son propre modèle.


Dès lors, l’intimité n’est plus cette sphère intérieur auquel elle est généralement identifiée et parfois présentée comme négation du rapport privé/public aboutissant à une mutation de cette dimension privée. Son travail plastique témoigne d’une volonté de poser une question plus générale : en quoi un travail local, intime, peut atteindre une valeur générale, donc une valeur politique.


Cette traduction du rapport au corps enrichit la perception de la matérialité explicitée par les sentences et les œuvres de la collection permanente du musée tout en créant une ouverture vers des situations plus contemporaine : celle politique de l’apartheid et celle du rapport de tout un chacun avec son corps en soulignant les relations entre métaphysique religieuse séculaire et inconscient collectif contemporain.


Le fait que cette œuvre soit placée dans la salle Andrée Jourdain, à proximité des études de nues et des œuvres de Tremorin, Smolinski et Berger n’est évidemment pas anodin et participe ainsi à la création d’un champ lexical visuel de la matière et du vivant.